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La foresterie communautaire dans le bassin du Congo
Par: Fern
Publié: avril 18, 2019
Type de document: Blog - article d'opinion
Document ID: 8632
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La foresterie communautaire dans le bassin du Congo
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Une chance pour les populations forestières, les écosystèmes et le climat

De 2016 à 2019, Fern a participé à un projet ambitieux intitulé « Collaboration d’ONG en faveur de moyens de subsistance communautaires équitables et durables dans les forêts du bassin du Congo » (CoNGOs) –, dont l’objectif était de promouvoir la foresterie communautaire.

Marie-Ange Kalenga et Indra van Gisbergen reviennent sur les résultats obtenus dans le cadre de ce projet. Elles analysent le rôle qu’y a joué Fern et elles envisagent les prochaines étapes.


« Si l’on donne aux communautés locales et autochtones du bassin du Congo les moyens de prendre le contrôle sur la gestion de leurs forêts, ces communautés pourront contribuer à la restauration des forêts, à la conservation de la biodiversité, au combat contre l’abattage illégal de bois, à la lutte contre les changements climatiques et à la mise en place de moyens de subsistance durables. »

Tel était, en substance, l’objectif premier de ce projet, élaboré par un consortium dynamique de partenaires et dirigé par l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED). Ce consortium réunissait Client Earth, Fern, le Forest Peoples Programme, la Rainforest Foundation UK, Tropenbos International et Well Grounded.

Le projet visait à sensibiliser les décideurs internationaux et nationaux à l’importance d’appuyer la foresterie communautaire pour sauver les forêts et améliorer les moyens de subsistance des populations. Il a également permis de tester des modèles innovants de gestion communautaire et participative des forêts au Cameroun, un pays qui dispose depuis plus de 20 ans d’un cadre juridique en la matière.

La principale responsabilité de Fern, conformément à son domaine de spécialité et à son expertise géographique, était d’accroître le soutien politique en faveur du développement de la foresterie communautaire, par le biais d’études, d’interventions pilotes et d’activités de plaidoyer et de sensibilisation. Les partenaires de Fern au Cameroun, en République centrafricaine et en République du Congo ont bénéficié d’appuis et un dialogue a été établi avec des décideurs politiques et des journalistes dans l’Union européenne (UE) et à travers le bassin du Congo.

Photo : Des femmes baka à Nomedjoh, au Cameroun, par Indra van Gisbergen.

La foresterie communautaire dans le bassin du Congo

Pour Fern, la foresterie communautaire consiste à permettre aux communautés d’exercer un contrôle sur les ressources forestières dont elles dépendent pour leur survie, de sorte qu’elles puissent les gérer de manière responsable et inclusive.

Dans des régions comme le bassin du Congo, les communautés protègent les forêts depuis des générations, mais elles sont aujourd’hui chassées de leurs terres ancestrales. L’exploitation minière et la demande croissante de bois et de produits tels que l’huile de palme, le caoutchouc et le cacao, notamment pour l’UE et la Chine, sont à l’origine de ce problème.

En raison de cette ruée vers les ressources que recèlent les forêts, de vastes étendues de terres ont été retirées aux communautés locales et autochtones, et données à des entreprises étrangères ou à des élites politiques.

Pour parvenir à une foresterie communautaire véritablement inclusive, il convient par ailleurs d’accorder une plus grande attention au rôle que jouent les femmes. Notre rapport sur « La foresterie communautaire : opportunité ou chimère pour les femmes du bassin du Congo », a révélé que les femmes occupaient une place importante dans la gestion et la conservation des ressources des forêts, ces dernières leur permettant d’assurer leur subsistance (bois de chauffage, végétaux, fruits et médicaments à base de plantes, entre autres) et de gagner leur vie. Elles continuent pourtant d’être victimes de discrimination dans les processus décisionnels liés à la gestion des forêts. Il reste encore fort à faire pour améliorer la législation et renforcer la participation des femmes à la gouvernance locale, afin que tous, hommes et femmes, puissent profiter des avantages qu’offre la foresterie communautaire.

Photo de Bobulix, Flickr/cc.


Sensibiliser l’UE aux avantages de la foresterie communautaire

Dès le début du projet CoNGOs, les enseignements tirés d’initiatives couronnées de succès ainsi que des recommandations sur les actions à entreprendre ont fait l’objet d’échanges entre les décideurs politiques, les organisations de la société civile et les communautés forestières dans l’ensemble des pays du bassin du Congo. Cela a permis aux communautés de mieux connaître leurs droits et de participer aux décisions sur la gestion des forêts.

Le dialogue entre les décideurs politiques et la société civile s’est renforcé en 2017, lors de la Réunion des parties du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) à Douala, au Cameroun, à laquelle ont participé plusieurs États membres de l’UE (dont la Belgique, la France et l’Allemagne). Fern a organisé, en marge de cette réunion, un événement sur la gestion inclusive des forêts dans le bassin du Congo. Cet événement a suscité un intérêt considérable et a permis d’aboutir au consensus qu’aucune communauté ne devrait être écartée de la gestion des forêts.

La Réunion des parties du PFBC a été un évènement central, car il a permis de tirer des enseignements de l’expérience du Cameroun (un pays pionnier en matière de foresterie communautaire) et de les partager avec les autres pays de la région. Ce partage de connaissances s’est également concrétisé à travers la réalisation de vidéos telles que « Forêts communautaires au Cameroun : quels enseignements avons-nous tirés ? », qui aborde les problèmes rencontrés dans le pays et donne des exemples d’initiatives réussies.

En novembre 2018, la vice-présidente du Parlement européen Heidi Hautala a co-organisé un événement avec Fern et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), afin de faciliter le dialogue entre les institutions de l’UE, ses États membres, les pays forestiers tropicaux et la société civile sur la contribution possible du cadre financier pluriannuel de l’UE à l’amélioration des moyens de subsistance des populations rurales dans les forêts tropicales du bassin du Congo. Elle s’est ainsi placée en défenseuse de la participation des communautés à la gestion des forêts et Fern espère continuer de travailler sur ces questions avec le nouveau Parlement.

Fern et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au Parlement européen avec les intervenants de la rencontre sur l’impact du nouveau budget de l’UE sur la protection des forêts et les moyens de subsistance des communautés locales.

Au cours du projet, la ministre de l’Économie forestière de la République du Congo, Rosalie Matondo, s’est elle aussi distinguée de par son action. Elle a d’ailleurs été élevée au rang d’ambassadrice de la foresterie participative (y compris de la foresterie communautaire) pour l’Afrique centrale. Elle s’est rendue dans les pays de la sous-région pour communiquer sur l’importance de la foresterie communautaire et le renforcement des droits des communautés sur les ressources forestières.

Visionnez l’entretien en français avec la ministre Rosalie Matondo :

Le rôle joué par ces « champions » est important pour promouvoir les avantages de la foresterie communautaire, renforcer le dialogue entre les gouvernements et les communautés locales et amplifier l’élan en faveur de la gestion participative des forêts. Par exemple, grâce aux activités de sensibilisation menées dans le cadre du projet CoNGOs, les communautés bantoues et autochtones en République centrafricaine (RCA), qui ne sont pas toujours d’accord sur la gestion des forêts, prennent de plus en plus conscience de l’importance de travailler ensemble et d’améliorer la gouvernance, afin que les forêts puissent être gérées conjointement et dans l’intérêt de tous. Le projet a également permis à des communautés locales et autochtones de RCA de participer directement à des réunions dans le cadre de l’APV et de s’exprimer sur leurs besoins, les atteintes à leurs droits et le modèle de foresterie communautaire qui leur permettrait d’améliorer leurs conditions de vie.

Des défenseurs de la foresterie communautaire, tels que Philomène Biya, coordonnatrice nationale du Réseau Femmes Africaines pour le Développement Durable pour le Congo, ont expliqué en quoi ce travail était important. Dans tous les pays, les communautés entretiennent une relation étroite avec les écosystèmes forestiers, étant donné qu’ils en dépendent pour leur nourriture, leur habitat, leurs médicaments et l’exercice de leurs droits culturels et sociaux.

Leur refuser l’accès aux forêts et les empêcher d’exercer un contrôle sur ces dernières revient à les priver de leur droit fondamental d’exister. Alors que quand ils se voient conférer des droits solides sur les forêts, force est de constater qu’ils les protègent et les préservent, ce qui profite à la biodiversité et au climat.

Visionnez l’entretien en français avec Philomène Biya :

« Les communautés doivent pouvoir à nouveau exercer leurs droits sur les forêts, afin d’améliorer leurs moyens de subsistance et la santé de la planète. »

Au Cameroun, le Centre pour l’environnement et le développement (CED) a coopéré avec les communautés des villages de Nomedjoh et de Nkolenyeng dans le sud-est du pays pour élaborer de manière participative et inclusive une version révisée simple du plan de gestion, en tenant compte des besoins et des aspirations des communautés. Ce processus participatif a été décrit dans un guide, qui est à présent utilisé par d’autres communautés du pays intéressées par la mise en place d’une foresterie communautaire durable. À Nomedjoh, l’approbation du plan de gestion d’une communauté par le ministère des Forêts a permis aux membres de cette communauté de sauver leur forêt, et ils mèneront des activités forestières autres que l’abattage pendant les cinq prochaines années.

En République du Congo, un accord « de principe » a été conclu pour la création de forêts communautaires pilotes dans la région de la Sangha, où les habitants mettront en œuvre une foresterie qui répond à leurs besoins et aspirations.

Des vidéos ont été réalisées à l’appui des activités de sensibilisation et de plaidoyer de Fern et ses partenaires, dont :

Les partenaires du projet CoNGOs débattent d’un nouveau paradigme pour la foresterie communautaire à l’occasion de la 17e Réunion des parties au Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) à Douala.


Prochaines étapes

Fern et ses partenaires locaux souhaitent continuer de soutenir la foresterie communautaire, et ce même une fois le projet CoNGOs terminé afin d’aider les communautés à faire entendre leur voix.

Fern continuera de travailler avec DFID et d’autres donateurs pour promouvoir la foresterie communautaire et renforcer le dialogue entre la société civile, les gouvernements nationaux et l’UE. Il sera important de mobiliser un appui durable en faveur de la Feuille de route pour une foresterie participative plus efficace en Afrique centrale, que le projet a contribué à élaborer en coopération avec les partenaires locaux et la FAO. Cette feuille de route ouvre la voie à une plus grande résilience des forêts et des communautés dans le bassin du Congo et elle pourrait s’avérer essentielle pour veiller à ce que les plus vulnérables tirent aussi partie de la foresterie. Ce travail permettra également de concrétiser des engagements internationaux, tels que l’Accord de Paris sur le climat et les objectifs de développement durable, mais seulement si les  ressources et le soutien politique sont au rendez-vous.

Lorsque les forêts sont menacées, les communautés et le climat le sont aussi. Si elle est mise en œuvre de manière adéquate, la foresterie communautaire peut contribuer à tous les protéger.

Photo : Massif du Mayombe, Congo, par Jbdodane, Flickr/cc.